7 déc. 2010

Wikileaks et les câbles Algériens : Quand la "traduction" vient entacher "l'interprétation".


Internet est un moyen de communication de plus en plus répandu et hyper puissant. On y a la possibilité de communiquer facilement. Mais le problème c’est qu’on  n’use pas des outils mis à notre disposition pour bien le faire. Le tout est de savoir  quoi « communiquer » .



Il serait intéressant d’alerter nos lecteurs sur un point très important qu’aucune presse n’a jugé utile de relever jusqu’ici.

Tous ces câbles Wikileaks qui sont rédigés en anglais - puisque émanant de la diplomatie américaine-  sont déjà une interprétation de ce que nos diplomates Algériens auraient pu dire.
Après un échange avec un ami Interprète -traducteur, il  est apparu que ce que nous lisons  (câbles bruts en anglais)  ce sont déjà des  interprétations de ce qui est réellement dit.
Il ne serait donc  pas anodin de noter que lorsque  le président Bouteflika s’adresse à une délégation   américaine, il  s'exprime dans la  langue   qu’il  maîtrise le     mieux, notamment : le « Français » et c’est à l’interprète des américains (ou même l’interprète commun) de traduire les paroles du Président. Et vice versa, quand les Américains parlent, c’est l’interprète algérien qui traduit pour le président. On appellerait cela « de l’interprétation chuchotée (l’interprète s’installe derrière son client et lui chuchote dans l’oreille).
Dans certains câbles publiés par Wikileaks, on peut facilement remarquer que des propos sont parfois rapportés "au style direct"  (citations entre guillemets) et d'autres fois "au style indirect".  Il apparaît clairement qu’il s’agit là d’une tactique de communication langagière utilisée dans le but de  mettre en exergue certains propos du Président.
En résumé, si je tombe sur une phrase qui commence par « Le Président Bouteflika a dit que… », Cela sous-entend que l’on a voulu résumer et que l’on n’accorde pas d’importance  à la façon dont c’est dit. L’interprète résume, reformule et il peut aussi bien mettre en évidence un propos qu'en obscurcir un autre.
Cependant, si je tombe sur une phrase au style direct : « Le Président a dit : « … ». », Cela veut clairement signifier que l’on a voulu retranscrire les paroles du Président, telles  qu’elles ont été  exprimées.
En principe, là où le travail du journaliste devient intéressant et compliqué à la fois, c’est d’arriver à trouver la bonne « traduction » de cette « interprétation ».
Il est peut être nécessaire de rappeler la différence entre les deux : La traduction est « écrite » alors que l’interprétation est « orale ».
Tout cela pour vous dire qu’il faut toujours garder en tête que ce que nous lisons, c’est la traduction de ce qui a été « interprété » par les américains.
Prenons pour exemple ce câble publié le 03/12/2010 par le journal El Païs :Cable sobre las malas relaciones Buterflika - Mohamed IV  (câble en anglais)
 Rassurez-vous, je ne vais pas vous compliquer les choses  en vous proposant une traduction en français d’une traduction espagnole portant sur une interprétation américaine des dires du Président Algérien parlant en Français. (Ça va, je ne vous embrouille pas trop ?)
Pour ceux qui souhaitent la version en français, la voici: 

Câble sur les mauvaises relations Bouteflika – Mohamed IV.
Alger 001219 CONFIDENTIEL
SIPDIS
NOFORN
SIPDIS
EO 12958: DECL: 01/07/2016
TAGS: PREL, PBTS, WI, MO, AG
OBJET: LE SAHARA OCCIDENTAL Bouteflika, les relations avec
MAROC
Classé par: Richard Ambassadeur W. Erdman: Raisons 1,4 (b), (d) 


1.(C) La Conseillère du Président à la sécurité intérieure et la lutte anti-terroriste, Frances Fragos Townsend, a été reçue par le Président Bouteflika le 18 juin pendant 3H30. Le Directeur chargé de la lutte contre le terrorisme au Conseil de sécurité nationale (NSC), Michele Malvesti, et le Chef de mission adjoint ont accompagné Townsend. Etaient également présents M. Rezzag Bara, Conseiller du Président Bouteflika sur les questions de terrorisme ainsi qu’un preneur de notes. Ce câble rend compte de leurs entretiens sur la question du Sahara occidental et les relations avec le Maroc.
 2. (C/NF) À un certain moment des entretiens, le Président Bouteflika a abordé la question du Sahara occidental, relevant que les visiteurs américains avaient toujours voulu s’entretenir sur ce sujet avec lui. Townsend a fait savoir que le Président Bush avait demandé à Bouteflika et au Roi Mohamed VI d’essayer de résoudre leurs différends. Townsend a ajouté que le Président appréciait le rôle que Bouteflika avait joué l’été dernier dans la libération, par le Front Polisario, des 404 derniers prisonniers marocains, notant [à l’adresse du président algérien] que « cela n’aurait pas eu lieu sans votre courage ». Elle avait demandé au Président Bouteflika comment il voyait le règlement définitif de ce problème.
 3. (C/NF) Bouteflika a répondu que la plus grande puissance mondiale, les Etats-Unis, devait respecter les décisions des Nations unies sur le Sahara occidental. Il a rappelé que lors de sa première réunion avec le Président Bush en 2001, celui-ci avait demandé à Bouteflika de travailler en toute bonne foi avec James Baker et qu’il s’y était employé. Bouteflika a précisé qu’il soutenait le Plan Baker même s’il ne l’aurait pas fait si le Président Bush ne lui en avait pas fait la demande. Aujourd'hui, a-t-il dit, à l’égard du Maroc l’Algérie se « trouvait dans l’impasse » ajoutant « nous rejetons tout ce qu’ils [les Marocains] acceptent et vice-versa. » Bouteflika a précisé qu’en dépit de ce blocage, il avait pris deux décisions courageuses : le Sahara occidental ne serait jamais un casus belli pour l’Algérie et il avait dit clairement aux Marocains que l’Algérie n’avait aucune prétention sur le territoire et les ressources du Sahara occidental.
 4. (C/NF) Bouteflika a réitéré qu’il n’existait aucun problème bilatéral entre l’Algérie et le Maroc. Poursuivant, il a déclaré que les Marocains arguaient que le Sahara occidental était un problème opposant le Maroc à l’Algérie. « Si je pouvais je l’aurais résolu » a-t-il     déclaré,   « mais je ne peux parler au nom des Sahraouis ». Il revient au Maroc et au Front Polisario de trouver une solution et ils peuvent y parvenir avec l’aide des Américains. L’Algérie allait soutenir tout accord auquel le Maroc et le Polisario aboutiraient. Mais, a averti Bouteflika, aucune solution ne peut être imposée aux Sahraouis. Et dans ce scénario, l’Algérie défendrait jusqu’au bout le droit des Sahraouis à l’autodétermination.
 5. (C/NF) Bouteflika s’est plaint que l’Algérie était dans une situation telle que tout geste fait à l’endroit du Maroc serait interprété par les Marocains comme le prémisse d’un processus de règlement bilatéral avec l'Algérie. "C’est pourquoi je ne souhaite pas serrer la main du Roi." Bouteflika a affirmé, cependant, avoir rencontré le frère du Roi, le Prince Moulay Rachid, à Séville, où ils étaient tous les deux hôtes du Roi Juan Carlos. Bouteflika a constaté qu’il pouvait parler de tout avec Moulay Rachid. « Nous avons plaisanté et parlé avec bonheur » a ajouté Bouteflika, « chose que je ne peux faire avec le Roi car nous n’avons pas le même sens de l’humour !» Il avait ajouté qu’il pouvait également plaisanter avec le père du Souverain, le défunt Hassan II. Selon Bouteflika, le Roi Mohamed VI « n’est pas ouvert et manque d’expérience ». Dans un rare moment d’autocritique, Bouteflika a avoué avoir décelé sa propre faiblesse : il croyait que les autres devraient résoudre les problèmes par le dialogue et la concertation mais il ne croyait pas au dialogue entre lui et Mohamed VI.
6. (C/NF) Townsend a fait savoir que le Sahara occidental était une question à laquelle le Président Bush accordait le plus grand intérêt. Il a ajouté que le non règlement de ce conflit entravait la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme et empêchait le Maghreb d’atteindre le niveau de coopération économique souhaité. Bouteflika a suggéré que James Baker pourrait être de bon conseil pour le Président Bush car il était un homme « de qualités exceptionnelles ». « Il est bien regrettable que Baker quitte » a observé Bouteflika. Il s’est ensuite interrogé si le Président Bush pouvait convaincre Baker de poursuivre les missions qui lui avaient été confiées. Bouteflika a ajouté faire des concessions au Maroc        reviendrait    à « accorder une récompense à l’élève le plus indiscipliné de la classe ». Les Etats-Unis ne devraient pas « encourager le comportement négatif du Maroc » avait-il laissé entendre.
Fin de traduction.

Je pense que ce câble exprime clairement ce qui a été réellement dit par le Président Bouteflika, et ce qui y a été rapporté. A vous de voir ce que vous souhaitez en déduire.


Pour conclure, je vous propose de méditer sur ce qui suit : « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre.» Bernard Werber,  Extrait de l' Encyclopédie du savoir relatif et absolu
Donc, un conseil : Laissez vos préjugés de côté et cessez de comprendre de travers
Chittapresse

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